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La mystique propose-t-elle un accès à l’être ?

La mystique, ce n’est pas la philosophie. La mystique se fonde, toute mystique, se fonde sur une série d’affirmations qui ne sont pas ouvertes à la discussion. Que ces affirmations soient posées comme des révélations transcendantes (les mystiques divines) ou comme des principes immanents (les mystiques sauvages, voir le très bon livre de Michel Hulin sur ce sujet), elles semblent dans tous les cas irréfutables, fermées dans leur ouverture même.

La mystique, en ce sens, a un fonctionnement proche de la mathématique. Elle repose sur quelques axiomes indémontrables, dont découlent tous les autres principes.

Mais avant de nous poser cette question, nous avons proposé différents accès à l’être, inspectés par la philosophie :

  1. des vérités universelles, subjectives, qui se présentent à nous sous la forme évidente de discours dont la réception n’est pas conditionnée par un statut social, une appartenance culturelle ou une configuration corporelle
  2. La vérité de l’être, telle que vécue à travers des modalités de mise en contact direct avec la matière telle qu’elle est, l’être tel qu’il est, sensations pures, brefs moments d’extinction du langage

De là nous nous sommes demandés si le langage pouvait ou non nous faciliter l’accès aux vérités, ou plus exactement à leur compréhension. Puisque, je vous le rappelle, les vérités universelles et leurs processus d’émergence, œuvre d’art et création artistique, amour et rencontre d’une présence, concept scientifique et invention, sont des objets indépendants de leur inspection. Peut-être alors que l’objet de la philosophie serait l’inspection rationnelle de ces vérités et de leurs processus. Je vous rappelle aussi que la vérité de l’être en tant qu’être, dont nous soupçonnons que les autres vérités seraient des moments, nous avons rappelé que l’ontologie se chargeait de son approche. Nous avons ramené, se faisant, l’ontologie dans le champ de la philosophie, mais par le biais du corps et des sensations pures qu’il éprouve, que nous éprouvons dans quelques rares moments (de l’extase à l’orgasme, dans les différentes expériences quick nous placent au bord d’une extinction de la conscience. Enfin, nous avons constaté ou soupçonné un lien, ou un rapport, entre vérités subjectives et vérité de l’être, sans réellement y aller.

Nous en étions là la dernière fois, ressentant que la mystique pouvait peut-être nous apporter une autre forme d’accès à l’être en tant qu’être. La mystique, je le disais il y a un instant, ce n’est pas la philosophie. Mais en réalité, si l’on se tourne du côté des présocratiques, donc de ces philosophes grecs qui étaient là avant Socrate et, surtout, Platon, la distinction est assez hasardeuse. Qu’est-ce qui fait d’un Héraclite énonçant : “Harmonie invisible plus parfaite que l’apparente” (traduction de Roger Munier, 1991) est plus philosophe que mystique ? Est-ce que ce n’est qu’un problème de traduction, lié qui plus est à la nature de fragment de ce qui nous reste d’Héraclite ? En grec il est écrit : ἁρµονίη ἀφανὴς φανερῆς κρείττων

ἁρµονίη -> ce qui établi la jointure, l’arrangement des choses, l’agencement, dérivé de ἁρμόζω, qui veut dire ajuster, adapter (Bailly)

ἀφανὴς -> ce qui n’est pas vu, ne peut être vu

φανερῆς -> ce qui est vu, qui est visible

κρείττων -> le plus fort

L’agencement que l’on ne voit pas est meilleur que celui que l’on voit.

Léon Robin : “L’Harmonie invisible supérieure à l’harmonie visible.” (1923)

Clémence Ramnoux : “L’Harmonie invisible vaut mieux que la visible.” (1959)

Marcel Conche : “L’ajustement non apparent est plus fort que l’ajustement apparent.” (1986)

Sommes-nous dans un énoncé conceptuel ? poétique ? Il est bien question d’un accès à quelque chose. Nous évoquions aussi plus tôt, dans une autre séance, que le langage de la philosophie, vaste, et en particulier celui de l’ontologie, donc l’étude de l’être en tant qu’être, de ce qui est non pas tel que ça se présente à nous, dans ses formes multiples, mais en tant que ça est, ce langage de l’ontologie pouvait aller de la mathématique à la poésie, qui seraient en quelque sorte les plus courts détours vers l’être, ou alors un accès direct via les procédures déjà évoquées.

Vient alors la mystique. La mystique c’est ce qui est relatif aux mystères. Et la racine étymologique, grecque, du mystère, μύω, c’est ce qui se tient clos, les yeux fermés, la bouche close (Bailly).

Discussions.

Nous continuons de buter ensemble sur les différents accès à l’être, revenant en boucle sur nos précédentes considérations. Si bien que nous sommes confrontés à ce phénomène si particulier, commun à la philosophie et à la spiritualité, et en particulier à cette branche de la philosophie que nous fréquentons depuis maintenant deux mois, l’ontologie, ou l’étude de l’être en tant qu’être, de ce qui est en tant que ça est, et de la spiritualité sous la forme de la mystique, ce phénomène donc, qui veut que nous revenions sans cesse à la même interrogation, sans qu’à aucun moment les réponses que nous apportons ne s’accumulent sous la forme d’un savoir.

Pour le dire de manière plus courte et plus concise : l’ontologie ou la mystique, en 2500 ans, ne cessent de reposer les mêmes questions, sans que l’on puisse constater la même accumulation de savoir que l’on constate par ailleurs dans la plupart des autres disciplines intellectuelles ou pratiques, qu’elles soient spéculatives ou techniques.

Des participants évoquent alors diverses figures. Celles du cercle, puis celle de la spirale, puis celle du cylindre ou de l’hélice. Ces différentes figures, ici proposées pour illustrer notre parcours, mais aussi plus largement ceux de la philosophie et de la mystique, comportent toutes des apories : le cercle est une boucle fermée, la spirale va vers un centre ou s’en éloigne, l’hélice semble marquer une forme d’ascension. Des tracés, donc, qui nous amènent au sujet de notre prochaine séance : peut-on dessiner l’être ? Sachant qu’il nous faudra éviter tout de même de confondre le chemin et le but. Ou pas.