Nous avons ouvert Convergences il y a presque trois mois. Et nous avons immédiatement rencontré un vaste mouvement d’enthousiasme de la population locale, celle qui, depuis longtemps, parfois plusieurs générations, est là, et celle qui, depuis quelques mois, quelques années, des fois depuis dix, quinze, vingt ans ou plus, est là de manière intermittente, une fois par mois, par trimestre, par semaine, tous les quinze jours, quelques jours par semaine ou, même, complètement sédentarisée s’identifie toujours comme venant d’ailleurs, comme étant d’ici et d’ailleurs. un ailleurs pas très lointain, la plupart du temps, un ailleurs souvent quelque part vers l’est à 100 ou 150 kilomètres, vers la capitale, vers Paris et sa Région.
Nous ne comptons plus le nombre de fois où des personnes sont entrées dans notre librairie en s’ébahissant, les yeux écarquillés, de cette improbable offrande, cet incongru cadeau que représente pour eux notre simple existence. Ici, en milieu rural, mais enfin, vous n’y pensez pas ! vous êtes fous ! Ah oui, mais pourquoi pas ? Et on peut se poser ? On peut boire un thé ! Se promener, parmi ces merveilles que sont les livres, cette odeur de papier, ô sérénité.
Un public d’une superbe variété, où se croisent et se côtoient (au masculin neutre, féminin inclus, bien sûr !) des retraités, des ouvriers, des agriculteurs, maraîchers, apiculteurs, éleveurs, des hauts fonctionnaires et des élus, des militaires, des militants, des artistes, des éducateurs, des enseignants, instituteurs et professeurs, des prêtres, des professeurs de yoga ou de judo, des attachés de presse, gens du livre et des lettres, relieurs, auteurs, éditeurs, employés et commerçants, des fonctionnaires locaux, bibliothécaires, secrétaires de mairie, employés de mairies, de communautés de communes, départements chambre du commerce région et tutti quanti des échelons étatiques, toute la richesse du monde, apolitiques ou plus ou moins convaincus, de l’extrême gauche à l’extrême droite, des centristes bon teint et des libéraux conservateurs, quelques socialisants et des élitistes, des syndicalistes, des athées et des croyants, toute la richesse du monde et de la vie, donc, en une multitude convergente mais aussi divergente, de tous les genres, genre distingué ou mauvais genre, discrète ou fantasque, parlante, muette ou murmurante.
Et puis nos choix à nous, nos choix littéraires, s’entend, de ces choix d’un éclectisme pas plus déroutant que l’éclectisme du monde, qui nous réunit ou nous clive, nous fonde et nous scinde. De la littérature blanche et des bédés, et dans les bédés de la ligne claire comme du super héros, de l’underground comme du manga, et dans la littérature blanche du beatnik comme du Nouveau Roman, du contemporain et du classique, du docile et de l’éructant, du neutre et du poignant, de l’ignoré et du primé, de l’ici et de l’ailleurs, du primeur et du vieillot, et de la littérature pas blanche, de la littérature polar noir, science fiction, fantastique, épouvante, héroïque fantaisie, de la marge ou du centre et tout autour. Et puis nos choix à nous, toujours éparpillés, du cheval à la poésie, et pour le cheval encore, de l’élevage au dressage, de l’éthologie à l’équitation, du moderne et de l’ancien, de la promenade au spectacle, du sport et de la passion. Toujours ces choix dans la poésie, beat haïku surréaliste romantique suisse russe bucolique amoureuse déchirante déchirée féérique illuminée. Et des essais, de l’écologie au féminisme, de la philosophie à la psychanalyse, éducation bienveillante (tant qu’à faire !) et de la communication non violente (pourquoi s’en priver ?), un chouia d’histoire (mais pas encore assez) saupoudrée de théorie critique, et pour couronner le tout des livres d’art, tous œuvres peints, déchiffrables manuscrits, insolites surprises, j’en oublie, j’en passe, découvrir avec le temps. Couronne des couronnes ? Les spiritualités non plus ne sont pas en attente, de la Bible hébraïque et du Talmud, du Coran au soufisme, de la TOB ou de la Bible Segond à la mystique rhéno-flamande, des paroles du Bouddha au taoïsme, Yi King et Cantique des Oiseaux, Trungpa et le Dalaï Lama, Mahābhārata et Gathas.
Et puis les cafés philo du samedi matin, et le book club cheval, et le jeu d’échecs et les dominos, l’espresso et l’americano, l’earl grey et les petits gâteaux.
Ça aurait quand même été ballot de s’en priver.
Ça paraît trop beau tant la liste semble exhaustive mais je confirme que l’on trouve bien tout cela aujourd’hui à Sainte Gauburge ! Et ça fait du bien !