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Nous avons posé lors de nos deux premières rencontres : 

  • Les conditions de possibilité de l’exercice de la philosophie, et non pas les conditions de possibilité de la philosophie elle-même
  • Les conditions de possibilité de cet exercice étaient les suivantes : 
  1. Une condition démocratique : la liberté de pensée -> tout énoncé peut être énoncé par quiconque et discuté par quiconque, à la seule condition qu’il soit argumenté.
  2. Une condition normative : une loi de la pensée partagée par tous -> tout énoncé a des conséquences, qu’il conviendra à chaque fois d’inspecter et d’interroger.
  3. Une condition égalitaire : la possibilité de l’universalité -> il existe des vérités, qui sont des énoncés dont la réception par quiconque ne dépend ni du statut social, ni de l’appartenance identitaire (culturelle, linguistique, religieuse…), ni du dispositif corporel (couleur de peau, sexe…).

Ce qui détermine l’être humain c’est la possibilité d’accéder à des vérités universelles par l’exercice démocratique et égalitaire de la pensée. 

Ou, dit autrement :

Les gens pensent

Les discussions se sont alors orientées vers la question des vérités, de l’universalité, et de la création en art.

Je voudrais aujourd’hui continuer d’ouvrir le champ de nos investigations en évoquant une vérité universelle qui relève de l’ordre des émotions et des sentiments, mais qui à mon sens ne relève en réalité fondamentalement ni des unes ni des autres : l’amour.

Il me semble que l’amour est un très bon exemple de vérité universelle. Il est en effet tout à la fois intimement et singulièrement vécu par les subjectivités individuelles, ça personne ne saurait en douter. Quoi de plus intime qu’un élan amoureux ou qu’un chagrin d’amour ? Et quoi de plus vrai et de plus universel, donc quoi de plus intriqué entre le subjectif et l’objectif, le particulier et l’universel ? Il me semble que toute l’histoire de la littérature nous en apporte la preuve et la trace. Que ce soit un grec de l’antiquité, une courtisane japonaise ou une béguine du Moyen Âge, un poète homosexuel californien des années cinquante, ou n’importe quel auteur de n’importe quelle époque et de n’importe quel lieu, ils parlent tous de la même chose et, ils en parlent de la même manière.

Il y a bien sûr des différences de style, des approches culturelles et subjectives assez variées, mais il est parfaitement identifiable que ce dont ils parlent est bel et bien de l’ordre d’une procédure universelle de vérité. Je dis bien “procédure universelle de vérité”, puisque nous sommes face à une multiplicité de vérités subjectives qui chacune dans leur vécu nous font toucher à quelque chose de l’ordre d’une vérité universelle, du processus qui nous amène à en reconnaître l’évidence.

Après l’énoncé de ces quelques éléments, les discussions lors de cette séance ont porté sur une possible définition de l’amour, sans que personne n’en formule réellement une. Il a été proposé de revenir à l’étymologie du mot, ce à quoi notre hôte (moi-même) s’est opposé, arguant de l’indépendance de la philosophie quant aux langues : il n’y a pas une langue de la philosophie et toute tentative de définition d’un concept à partir de son étymologie dans une langue ne peut que forclore son accès à l’universel d’une vérité. Comme la discussion continue de porter, justement, sur la possible universalité de ce qui serait reconnu comme vérité(s), l’approche étymologique ne saurait être retenue.

Deux autres approches ont été suggérées : 

  • une approche statistique de la vérité, la reconnaissance par le plus grand nombre valant alors comme preuve de son universalité -> question : le règne du nombre sur la vérité ne recèlerait-il pas plutôt sa négation, effaçant la subjectivité de son vécu ?
  • une approche polaire de l’amour, qui naviguerait en quelque sorte entre l’amour romantique, fusionnel, et l’amour “don de soi” -> question : n’y a-t-il pas là un risque de glissement nihiliste, naviguant de la négation de l’autre à la négation de soi ? L’amour n’est-il pas, tout au contraire, reconnaissance de l’autre, en tant que sujet aimé, et de soi, en tant que sujet aimant ?

La question est aussi posée de savoir si l’amour peut être ressenti par un sujet psychotique, le contraire valant alors pour preuve de la non-universalité des vérités.

Je vous proposerai une possible définition de l’amour pour ouvrir les discussions à la séance du 24 février.