Comme nous l’avons déjà remarqué, les instructions préliminaires des exercices d’Ignace de Loyola s‘adressent tout autant à ceux qui vont faire les exercices qu’à leurs encadrants. Nous noterons d’ailleurs que, pour le moment, il n’est pas demandé explicitement aux encadrants d’avoir eux-mêmes pratiqué les exercices, même si ce prérequis peut sembler aller de soi.
Dès le début, l’objectif des exercices nous est donné : « trouver la volonté de Dieu sur l’organisation de sa vie et le salut de son âme ».
Quelques précisions sont données par la suite, essentiellement à destination des encadrants, mais dans l’ensemble c’est un appel au dépouillement qui est professé, demandant aux pratiquants des exercices, réflexion et implication, intelligence et volonté.
Ce dépouillement est résumé à la toute fin de ce texte d’introduction. Je vous le donne dans la traduction que nous lisons et dans celle qui figure dans le Livre bleu de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X.
« plus l’âme se trouve dégagée et solitaire, plus elle se rend apte à rechercher et à atteindre son Créateur et Seigneur » (trad. Jean-Claude Guy)
« plus notre âme se trouve seule et séparée des créatures, plus elle se rend apte à s’approcher de son Créateur et Seigneur et à s’unir à Lui » (Livre bleu)
Bien que n’ayant malheureusement pas eu le loisir de consulter les sources pour que nous puissions nous faire notre propre avis sur le contenu du texte d’origine, nous pouvons noter les différences entre ces deux traductions, en ayant à l’esprit que celle, plus ancienne, du Livre bleu, a nécessairement été éprouvée dans la pratique par de nombreux exercitants et leurs accompagnateurs ou leurs encadrants. L’autre traduction, celle que nous lisons, si elle semble plus proche du texte le plus complet et le plus définitif validé par Ignace de Loyola, a nécessairement été moins confrontée à la pratique.
Notons enfin que le temps des exercices est volontairement limité, s’écoulant en principe sur quatre semaines de durée variable, pour un ensemble d’une trentaine de jours en tout et pour tout. Cependant, la traduction du Livre bleu est utilisée par la FSSPX suivant la méthode en cinq jours du Père Vallet, élaborée dans les années 1920, et qui vise en grande partie au recrutement de nouveaux retraitants qui, loin d’être en retrait, sont destinés à se rendre dans les paroisses pour les revivifier. Les exercices sont ainsi assujettis, dans ce contexte, à un prosélytisme actif et revendiqué, qui s’articule avec le concept du Christ-Roi, c’est-à-dire la royauté universelle du Christ, et la Doctrine sociale de l’Église, approche personnaliste pour laquelle la société est au service de la personne, chaque homme étant une image vivante de Dieu (cf. Cardinal Martino, Compendium de la DSE, 2004).
Ceci dit, et comme nous en avertit le texte, les exercices spirituels ne sont pas nécessairement adaptés à tous, et leur réalisation comme leur but peuvent ne pas être atteints en fonction de la disponibilité et du parcours préalable des exercitants : « les limites du temps ne permettent pas de fournir tout à tous ».
Cette discipline du dépouillement de l’âme, qui demande volonté et persévérance, consiste à « attendre jusqu’à ce que notre Créateur et Seigneur se communique lui-même à l’âme qui se dévoue à lui », elle est donc œuvre de dévouement et de patience, œuvre de confiance, c’est-à-dire de foi. C’est pourquoi l’exercitant « offre tout son effort et sa liberté à son Créateur ». Nous retrouvons bien là une problématique que nous avons souvent croisée dans nos précédents échanges : la dévotion des hommes à leur Dieu et la subtile articulation entre cette dévotion et la liberté proclamée de l’individu dans plusieurs courants du christianisme, dont le catholicisme.