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Nous avons eu la dernière fois un débat de fond, sur la place accordée au péché, aux péchés, dans la théologie catholique, et plus largement chrétienne. C’est un point central, névralgique, de cette théologie, ce que le texte d’Ignace de Loyola souligne amplement tout au long de la première semaine des exercices.

Une de nos amies, catholique consacrée, est ensuite venue me voir pour discuter de ce qui avait été abordé. Nous sommes, me semble-t-il, tombés d’accord sur un constat, sans pouvoir en tirer les mêmes conclusions. Ce constat est, tel que je le formulerais, le suivant : tout homme né libre et laissé libre sans être guidé par la foi en Dieu a une inclination naturelle au péché. A contrario, une fois découvert le chemin de la foi, en s’en rendant compte ou non, que cette découverte soit explicite ou implicite, sue ou insue, l’homme libre désormais guidé par Dieu va accéder à la possibilité de sortir du péché. Dieu, le Christ, la foi, sont des guides vers la grâce, qui ne peut être obtenue sans leur présence dans notre vie. C’est aussi là que nos conclusions divergent. La conclusion de notre amie est que, bien que notre prédisposition première soit une disposition au péché, nous n’en restons pas moins dans la possibilité de nous ouvrir au chemin de la grâce. Ma propre conclusion souligne ce qui me semble souligné par Ignace de Loyola, mais aussi par la théologie chrétienne depuis ses débuts, à savoir une capacité au péché innée, première, dont nous ne pouvons sortir que si nous ne refusons pas de nous mettre sur le chemin de la grâce.

C’est une nuance, me direz-vous peut-être, mais c’est quand même une nuance qui a son importance. Nous avons par exemple pu mettre en vis-à-vis de cette théologie la théologie judaïque, pour laquelle, comme nous l’avons rappelé, l’homme naît avec une capacité au bien et une capacité au mal tout à fait équivalentes. Il s’en suit que les pratiques juives ne s’orientent pas vers la mortification du corps et de l’âme pour préparer la réception du message divin par l’érosion de l’égo, ou à tout le moins l’érosion de l’égo ne requiert pas chez les juifs ces pratiques de mortification.

C’est sur cette base de discussion que nous abordons donc aujourd’hui la troisième semaine des exercices de Loyola.

Trois préludes :

Histoire : le dernier repas
Lieu : composition et organisation du lieu
Demande : c’est là le retour de l’affliction, puisqu’il est alors demandé à l’exercitant de ressentir « douleur, indignation et confusion de ce qu’à cause de mes péchés le souverain Seigneur de tout affronte ainsi de si grands tourments ».

Je me dois de souligner cet étonnant passage, qui exprime si bien le principe de culpabilité qui est au cœur de la théologie chrétienne, comme pendant nécessaire à la logique du péché. Reprenons : 1/ nous sommes dans la tentation du péché tant que nous ne sommes pas sur le chemin de Dieu 2/ cédant à cette tentation nous nous affligeons non seulement nous-mêmes mais aussi bien Dieu lui-même. Nous sommes donc responsables de la souffrance de Dieu et, surtout, de celle du Christ. Mais, alors, quelle est la liberté du Christ ? N’a-t-il pas choisi de venir parmi nous et de souffrir ? Et s’il a choisi de souffrir, même pour nous, en quoi en serions-nous responsables ? Ce schéma se retrouve assez souvent dans une certaine pratique des rapports entre les parents et les enfants. Vous savez, chez ces parents qui se plaignent de la misère que leurs font leurs enfants, et qui les contraindrait à, entendez bien : leurs enfants les contraindraient à exercer une plus grande, plus forte autorité, entre autre en portant vers eux la culpabilité des actions affligeant leurs parents. Il me semble qu’ici pas plus les parents, que le Christ ou que Dieu, ne sont susceptibles de se remettre en question et de se demander, par exemple, s’ils n’ont pas quelque responsabilité dans le comportement de leurs enfants. La liberté, me direz-vous ! Quand même, la liberté a bon dos dans cette affaire, quand elle sert principalement à justifier la culpabilisation d’autrui. La supposée perfection de Dieu et du Christ n’inonde-t-elle pas dans ce dispositif une supposée perfection des parents vis-à-vis de leurs enfants ? Ou, d’ailleurs, du clergé vis-à-vis de ses ouailles ?

Le détail de ce qui est énoncé pour la direction du premier jour de cette troisième semaine est ici aussi d’un grand intérêt pour nous : « éveiller en moi douleur, tristesse et larmes »

C’est là la première contemplation, qui se fait à minuit.

La deuxième contemplation se fait à l’aurore. Les trois préludes suivent le même ordre logique : histoire (ici, c’est ce qui se passe après la cène), lieu, demande.

Le troisième prélude, la demande, est ainsi formulé :

« (…) ce que l’on souhaite : demander la douleur, les larmes, l’angoisse et les autres peines intérieures de ce genre »

C’est donc un souhait dirigé, et non pas entièrement libre, ce qui correspond bien à la question de la direction de conscience, dont le clergé est ici le détenteur.

La journée se prolonge par la répétition de ces deux contemplations « vers le temps de la Messe et des Vêpres », donc a minima entre 6h et 9h du matin pour la Messe conventuelle et entre 17h et 19h pour les Vêpres.

Il est en outre précisé :

« tandis que je me lève et m’habille, je m’efforcerai de m’inciter vivement moi-même à la tristesse et à la douleur pour les si nombreuses et grandes peines du Christ »

C’est donc là que nous en sommes.