Les neurosciences tendent à nous dire et à nous faire penser que c’est le traitement de l’information qui crée la pensée. Et pourtant, si nous regardons ce qui se passe au niveau du langage et de la rencontre des discours dans le corps du sujet, dont le cerveau fait certes partie, ainsi que tout le système neuronal de traitement de l’information, pas seulement dans son processeur central qu’est le cerveau, nous remarquons que les propriétés propres au langage, et non celles du système neurologique et neuronal, nous permettent de comprendre pour le mieux le fonctionnement du discours.
Prenons un exemple. Un mot ou un concept que j’entends depuis longtemps, qui peut même m’être complètement familier, ne va me dévoiler son sens réel que si le discours qui le porte, et qui me vient donc de quelqu’un d’autre que moi, vient se tisser adéquatement avec les discours qui l’ont précédé et l’avaient déjà porté à ma connaissance dans le passé, avec leur mémoire. Cette mémoire, constamment reconstruite par la rencontre et l’intégration de nouveaux discours, donne son sens à tous les nouveaux mots et discours qui l’enrichissent et tire à son tour son sens nouveau de ces nouveaux mots et discours. Le sujet issu du tissage de ces discours frémit dans la vibration de ces textes multiples qui s’enchevêtrent en lui. Il faut s’y résigner : les neurosciences ne peuvent rien nous apprendre sur ce sujet. Les neurosciences elles-mêmes ne sont-elles pas issues du bavardage des sujets qui les pensent, multitude de discours articulés les uns aux autres ?