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Durant notre dernière séance (celle du 17 février), il m’a été demandé par plusieurs d’entre vous et à plusieurs reprises ce que j’entendais derrière le terme “amour” ?

Je vous avais en effet un peu brusquement balancés dans le vide de ce mot, lancé en l’air comme relevant d’une forme de vérité universelle, me refusant toutefois d’en donner pendant l’heure de nos discussions, quelque définition que ce soit.

Aujourd’hui, je vais donc me plier à votre demande.

J’avais, déjà, aussi, refusé l’exercice linguistique, arguant du fait que pour garantir l’universalité de l’amour comme vérité, il n’était absolument pas question de le restreindre au champ sémantique d’une seule langue.

Alors, pour qu’il y ait amour, je vous dirai qu’il faut une présence et une rencontre, la rencontre d’une présence, et le maintien de cette présence au-delà de cette rencontre. Sans rencontre d’une présence, et sans maintien de cette présence après sa rencontre, il ne peut pas y avoir d’amour.

L’amour est le passage, à travers la rencontre d’une présence, de l’expérience subjective purement individuelle et singulière à l’universel d’une vérité, il est l’ouverture d’un accès à l’universel. Et sa manifestation corporelle, anatomo-physiologique, cérébrale et chimique, dans la jouissance, l’orgasme ou l’extase de la béatitude, est l’expression matérielle de cet accès à l’universel, son indice et son index, ce qui pointe vers l’universel par la manifestation de sensations pures du monde en lequel le corps est immergé, et dont il fait partie, auquel il participe. C’est ce que j’appellerai volontiers la dimension cosmique de l’amour.

Je soutiendrai que ce début, cette ébauche de définition de l’amour est de l’ordre d’une vérité universelle ou, plus exactement, du concept de cette vérité, puisque ce n’est pas Une vérité (une) mais une vérité qui à chaque nouvelle rencontre d’une présence par un sujet se répète. Ce n’est Une vérité que sur le plan conceptuel, de manière effective ce ne peut-être qu’une multiplicité de vérités, même si elles sont toutes la même.

Et l’amour dure tant que la présence est là, quelle que soit la forme de sa manifestation, une présence présente dans l’actualité du présent, ou une présence présente dans le ressouvenir d’un présent passé. Le corps n’y suffit pas, quoique par sa forme (son Âme ?) il en soit le signe, puisqu’il peut tout aussi bien être présent sans présence. De la même manière, l’amour ne cesse qu’avec la fin de la présence. C’est aussi pourquoi bien des amours peuvent durer toute une vie, même si le corps de la personne en qui était incarnée la présence rencontrée n’est plus là, tout comme d’autres peuvent rapidement s’effacer.

Qu’est-ce que la présence ? Elle n’est pas le simple présent, la simple présentation d’un corps. Qu’un corps se présente, se manifeste à nous, ne suffit pas à le marquer d’une présence, à nous marquer, à marquer un sujet de la présence d’un autre sujet. En réalité, le seul corps qui importe n’est pas tant celui qui pourrait soutenir la manifestation d’une présence, que le corps du sujet rencontrant la présence.

Cette présence, serait-elle celle de l’être ? Le supposer, me semble aller dans le sens de ce que j’avançais juste avant, à savoir que l’amour dans certaines formes d’intensité de son vécu corporel, nous place au bord de la matière dont le corps est fait et en laquelle il est immergé, par la sensation pure de cette matière. Ce que j’évoquais concernant l’orgasme ou l’extase mystique.

Est-ce que ce n’est pas ce que nous dit Jacques Lacan : “ L’être, c’est l’amour qui vient à y aborder dans la rencontre.” ?

La rencontre d’une présence est toujours la rencontre de l’altérité et non de l’identité, qui est identification narcissique à soi-même, négation de la possibilité de l’amour.

Vous noterez, enfin, qu’à aucun moment je n’évoque la question du désir. Il me semble pourtant difficile de décorréler amour et désir. Ça, c’est une histoire vieille comme le monde, comme on dit, et sur laquelle la psychanalyse s’est abondamment penchée.

La séance.

Nous avons abordé, ensemble, une partie des questions évoquées ci-dessus.

Sur la question de la présence, en particulier, nous évoquons la révélation et la foi, la révélation de la foi, par la foi. Exemple est pris de Saint Paul, illustrant une autre question : la foi préexiste-t-elle à la révélation de la présence de Dieu ?

Une participante évoque aussi l’amour maternel. Une question : y a-t-il rencontre dans l’amour maternel ?

Mise en parallèle, forte, de l’orgasme et de l’extase : immersion du corps dans la matière d’où il est issu et dont il participe. L’orgasme et l’extase béatifique font signe vers cette immersion, en tant que sensations pures hors langage. Il est question dans ces expériences de l’ouverture d’un accès au réel, entendu comme universel, cosmique.

On en revient à l’œuvre d’art et à l’amour comme procédures de vérités, conduisant, pointant, vers l’universel, à savoir des discours dont la réception n’est pas sous la condition d’appartenances sociales ou culturelles, ou de configurations corporelles données.

Chacun semble s’accorder sur la persistance des vérités par-delà la vie de ceux qui y ont participé :

  • réception d’une œuvre d’art singulière en d’autres temps et d’autres lieux que ceux de sa production originaire, et donc par-delà la mort de l’artiste,
  • possible maintien de la présence rencontrée prise pour objet de l’amour, même et y compris en l’absence du corps en lequel cette présence pouvait être incarnée au moment de la rencontre.

Ces dernières considérations nous permettent de définir le sujet de notre prochaine rencontre : une vie sans vérités est-elle vraiment une vie ?