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Sommes-nous séparés du divin ? Cette question pourrait sonner comme l’écho d’une douleur, d’un désir insatisfait, d’un abandon, mais aussi d’une joie, d’une possible liberté. 

Notez bien qu’elle peut tout de suite se décliner suivant les différentes fois de chacun.

Pour les chrétiens, les juifs, les musulmans, on se demandera par exemple si le Dieu créateur : 

  • Nous a créé en face de lui
  • A quitté le monde après l’avoir créé
  • A toujours été en retrait 

Ou toute autre déclinaison de cette distance présupposée entre Lui et nous.

Ou bien, tout au contraire, si nous ne participons pas tous du divin, étant à son image, et habitant le monde qu’il a créé après une chute qui nous ouvre à la possibilité de la liberté et de la communion.

Je rappelle brièvement que pour les gnostiques, ce Dieu qui se dit créateur nous aurait menti en prétendant être unique, alors qu’il ne serait un archonte, et pas le seul.

L’hindouisme, qui se décline en au moins trois courants distincts, se succédant dans le temps : 

  • Le védisme, plutôt panthéiste ou même panthéisme, c’est-à-dire considérant que non seulement le divin est partout présent, mais qu’il habite en outre une réalité supérieure à celle de la création, dans une dimension méta ou supra physique.
  • Le brahmanisme.
  • L’hindouisme à proprement parler, comprenant lui aussi diverses écoles (tantrisme, shaktisme, shivaïsme, etc.), dont les doctrines de certaines s’interpénètrent les unes les autres.

Dans les cas du brahmanisme et de l’hindouisme, Brahma apparaît comme la personnification du principe créateur premier, le Brahman, et comme personnification de ce principe il n’intervient que peu, voire pas du tout, dans les affaires du monde, et a même, comme tous les êtres, une vie qui se termine (bon, ça dure très longtemps, la vie de Brahma, plusieurs centaines de milliards d’années, et une fois que sa vie est finie, elle recommence).

Le Brahman est la conscience cosmique présente à tout moment en toute chose, conscience dont la manifestation, Maya, est illusion. Pour ceux qui viennent au café philo, vous voyez que nous ne sommes pas très loin des interrogations ontologiques occidentales sur l’être et samanifestation, par exemple d’un point de vue platonicien.

Nous avons potentiellement affaire, là, à une sorte de panthéisme. Enfin, c’est assez difficile à classer, quelque part entre panthéisme, panenthéisme et déisme. 

Ce qui m’amène aux voies qui dès le départ réfutent en quelque sorte la possibilité même de la séparation entre nous et le divin : 

  • Les panthéismes, comme le védisme ou le chamanisme, considèrent que le monde est habité par des forces, des puissances qui agissent et l’agissent, ou même parfois nous agissent.
  • Le bouddhisme, pour qui l’idée même de séparation ne peut entrer dans ses cadres de pensée, le concept même de divin pouvant être considéré comme étant absent de ses canons. À de très rares exceptions près, il n’y a pas de dieu dans le bouddhisme.

Je voudrais aussiévoquer l’athéisme contemporain, tout de même assez répandu et, me semble-t-il, répandu même chez certains croyants, qui sont des croyants “culturels” et “identitaires” plutôt que des croyants ayant la foi (cf. une partie de nos précédentes discussions).

Enfin, dans l’athéisme contemporain, il y a aussi l’idée d’une séparation entre nous et le monde, en tant que monde naturel. C’est la célèbre distinction entre nature et culture. La plupart des athées voient dans cette nature dont nous sommes séparés un ensemble de lois physiques (éventuellement déclinées suivant divers règnes, minéral, végétal, animal…) que notre technologie viendrait au mieux instrumentaliser (ce qui est le cas de la plus grande partie des partisans du progrès technologique) au pire déstabiliser (ce qui est le cas des critiques contemporains des sociétés industrielles). 

D’autres athées, minés de l’intérieur par l’athéisme, ressentant une sorte d’acédia athée, ont de plus en plus recours, depuis quelques siècles maintenant, à tout un appareil mystico-occulte assez confus, allant du symbolisme de l’alchimie et du spiritisme aux résurgences modernes de la magie et d’une sorte de néo-animisme / néo-paganisme, qui résulte en un culte désordonné et chaotique de la nature. Y règne une grande confusion, à l’imaginaire tout à fait passionnant, mais, il faut le dire, très désordonné et, surtout, relevant en réalité d’une logique à mon sens parfaitement moderne : chacun choisit ce qu’il veut et gare à ceux qui voudraient lui contester ce droit de choisir ce qu’il veut. On est plus proche de la consommation de marchandises, par injection d’un imaginaire personnel, truffé par la projection de nos angoisses et de nos frustrations, une sorte d’escapisme imaginaire, que d’une foi révélée ou d’une illumination divine.

Nous avons une sorte de schéma qui se trace :  

 

 

Discussion

Les interventions des divers participants évoquent la séparation / non séparation d’avec le divin.

Nous pouvons ainsi être séparés du divin sans que celui-ci ne soit séparé de nous. 

Nous pouvons être en face à face avec le divin, ou être traversés par le divin tout en ayant oublié sa présence en nous.

Des déclinaisons de ce rapport, multiples, dépendent l’étendue, les modalités et les conséquences d’une séparation.

Revient la question du langage, maintes fois abordée ici, et de l’inexprimable dans l’expérience intime du divin. Un des participants se campe dans une position assez radicalement vitaliste, évoquant l’émotion du divin comme principe de vie que les mots seraient trop limités pour exprimer. Je rappelle alors que les grands textes religieux et mystiques sont tout au contraire, et au moins en partie, orientés vers l’expression et la transmission de cette expérience, et, me semble-t-il, y parviennent parfois avec un certain succès.

Notons qu’il relèverait aussi, ce que soulève une des participantes, de la responsabilité de chacun, à reconnaître le divin ou le nier, ce qui ne serait d’ailleurs pas sans conséquences, d’après ce qui est alors énoncé.

Surgit la question de la liberté, idée à laquelle semblent attachés tous les participants. Notre rapport à la liberté semble si important pour chacun, qu’aucune soumission au divin ne semble envisageable, malgré les conséquences éventuelles du choix, donc, de s’en écarter. 

Portés dans le cadre de nos “cafés” théo et philo, à toujours interroger ce qui va de soi, nous décidons donc d’y consacrer la prochaine séance : pourquoi la liberté ?