Laïcité positive et laïcité négative, donc.
Je le rappelle : la laïcité positive serait celle qui accueille dans un vaste dialogue œcuménique l’ensemble des croyants dans un dialogue inter-religieux pacifique et apaisé. La laïcité négative, est celle qui se pratique surtout à partir de 1905, en assurant l’universalité de l’héritage de la Révolution française de 1789.
La laïcité négative est, avance Bourgeois, ce sur quoi repose la nation, l’unité nationale après 1789, la nation, donc, moderne, fondée sur “l’union politique universelle, circonscrite territorialement, que veulent librement les individus surmontant leurs attachements particuliers, notamment religieux, et qui se détermine étatiquement par elle-même en tant que telle.” L’unité nationale, comme unité politique à visée universaliste, la France “nation de l’humanité”, n’est ici conditionnée, et s’assure de ne pas l’être à aucun moment, par aucun particularisme. Vous noterez que la laïcité négative et l’idée de l’unité nationale avec laquelle elle s’articule ne sont pas compatibles avec, par exemple, l’unité culturelle identitaire religieuse d’une patrie. C’est bien là que différentes France s’affrontent, au premier rang desquelles l’Etat-nation républicain laïque français et l’église catholique française, ensuite d’autres communautés religieuses, mais qui ne peuvent historiquement prétendre faire identité culturelle de la patrie française qui s’étend peu ou prou sur le même territoire géographique que l’Etat-nation français. Et seul un Etat-nation suffisamment puissant peut s’assurer du maintien et de la pratique de la laïcité négative, en laquelle il trouve par ailleurs son propre fondement.
La laïcité positive, a contrario, serait bien en peine de conserver la nécessaire étanchéité entre Etat et religions. Que ce soit le cas d’une république pluri-confessionnelle ou celui d’un Etat mon-religieux, l’unité nationale est niée comme telle. Elle est niée par l’affrontement inévitable de confessions qui ne partagent pas les mêmes jugements ou par l’acceptation d’une seule et unique confession.
Par ailleurs, la laïcité positive, en reconnaissant comme “communautés constitutives de l’unité nationale” des “groupements particularisants extra-politiques” l’Etat relativise et fragilise la conscience de l’unité nationale ainsi que la laïcité sur laquelle elle repose.
Bourgeois souligne que le positionnement de la laïcité négative n’en est pas pour autant nationaliste, car la nation y remplit le rôle de condition nécessaire et non pas de fin absolue. Le nationalisme serait tout au contraire l’affirmation de valeurs politiques au-dessus de toutes les autres, ce qui ne saurait être le cas dans une nation laïque dans laquelle sont justement véhiculées, discutées et vécues des aspirations universalistes héritières de la Révolution de 1789 : “universalisation harmonisée de la vie des hommes”, établissement d’un “sens positif (politique) vrai” de la laïcité.